AIDA de Verdi à Busseto – Examen

AIDA de Verdi à Busseto – Critique de William Fratti - Signée par Franco Zeffirelli, filmée par Stefano Trespidi, mise en scène par Maestro Michelangelo Mazza –


Conçu en 2001 à l'occasion du Centenaire de Verdi, fortement soutenu par Gianni Baratta, alors directeur général de la Fondation Arturo Toscanini, lorsque Busseto et Parme n'étaient toujours pas en mesure de communiquer, lorsque le Festival Verdi était encore – parce que c'est comme ça qu'on l'appelait – n'a pas décollé, mais est née de ses propres cendres pour finir à nouveau brûlée, cette Aida signée Franco Zeffirelli a suscité un tel tollé et un tel étonnement qu'elle a été demandée par tant d'autres théâtres qu'elle a atteint l'objectif des cent représentations déjà en 2003.

L'extraordinaire spectacle du metteur en scène et scénographe florentin est ici repris par Stefano Trespidi qui, vraisemblablement en utilisant moins de ressources que nécessaire, met sur scène plus d'une douzaine de personnes en moins, chœur et figurants compris, montrant ainsi quelques lacunes par rapport à l'original. car les gestes et les regards des protagonistes sont loin de ce miracle initial heureusement enregistré et documenté dans un DVD publié par RaiTrade et TDK et dans un beau livre photographique de Gianfranco Lelj. Il en va de même pour les scènes, qui se sont estompées au fil des années – surtout la toile de fond avec la pyramide – et ils auraient besoin d'une retouche ou d'un meilleur éclairage. Fiammetta Baldisserri se met en quatre avec les ressources lumineuses dont elle dispose, mais cela ne suffit pas à répéter la magie suggestive des bleus et des ors qui auraient dû accompagner le triomphe vers l'intimité tragique finale. Même les costumes exceptionnels et très précieux d'Anna Anni, repris ici par Lorena Marin, ont lentement perdu une partie de leurs précieux éléments au fil des années, notamment ceux d'Aida qui, franchement, semblent avoir été achetés au marché de Piazza Ghiaia. Zeffirelli a été clair : Aida n’est pas n’importe quelle esclave, mais une servante de la princesse royale.

Il s'agit néanmoins d'un bon spectacle et le Teatro Regio di Parma a le mérite d'avoir permis ce retour tant souhaité. De même que l'institution de Parme mérite d'être applaudie pour avoir redonné au petit théâtre de Busseto le rôle de scène de lancement pour de nombreux jeunes, même si, à cette occasion, tous les interprètes n'étaient pas suffisamment préparés. L'école de Carlo Bergonzi d'il y a vingt ans démontrait un niveau qu'on espère avoir encore aujourd'hui.

Côté chant, le joyau de la couronne est représenté par le Radames de Bumjoo Lee qui, malgré un sérieux manque de prononciation des sifflantes, se démarque dans les notes aiguës avec de l'éclat et un bon maintien, restant ferme et émaillé même vers le bas.

L'Amonasro d'Andrea Borghini est plus que satisfaisant, brillant et avec un bon accent, même s'il est un peu faible dans le médium-grave.

Idem pour Ramfis de Dongho Kim, dont la voix sombre manque cependant de la profondeur nécessaire au rôle imposant du prêtre.

Le Roi de Renzo Ran est également adéquat, mais légèrement incertain.

Aida est Natalie Aroyan, avec une voix très importante et une belle couleur, mais pauvre en technique. La soprano australienne possède d'excellentes aptitudes, mais elle a besoin de revoir son émission, tantôt voilée, tantôt forcée, épuisant vite son énergie ; perfectionner l'usage des instruments à vent, à défaut de tenir certaines notes longtemps ou d'émettre un piano ; améliorer enfin l'élégance avec laquelle il faut être sur scène.

Discours similaire pour Daria Chernii dans le rôle d'une Amneris qui n'est pas très raffinée tant dans son interprétation que dans sa vocalité plutôt opaque et en difficulté dans les aigus.

La prêtresse de Chiara Mogini présente quelques problèmes d'intonation, tandis que le messager de Manuel Rodriguez ne s'entend pas dans les notes graves.

Enfin, la direction de Michelangelo Mazza est excellente, toujours très homogène et équilibrée, bonne dans l'accent de Verdi, ainsi que dans le pianissimi raffiné. L'Orchestre du Teatro Comunale di Bologna n'est pas toujours à son apogée et, bien qu'excellent pour une grande partie de la prestation, se retrouve un peu’ en difficulté avec les trompettes lors du triomphe et avec les cordes à la fin de l'opéra. Le Chœur s'est bien comporté, mieux vocalement que scénique, dirigé par Alberto Malazzi.

La chorégraphie de Luc Bouy est toujours très efficace, les danseurs sont très bons.

Guillaume Fratti

PHOTOS © Roberto Ricci